Après deux semaines d'âpres
négociations, la COP26 a pris fin, samedi 13 novembre 2021, avec un accord en
demi-teinte, le « pacte de Glasgow ». Il est déjà largement critiqué
par de nombreux acteurs, dont le patron de l'ONU. Antonio Guterres a lui-même
relevé les faiblesses.
Au terme de deux semaines de
négociations et des changements de dernière minute, le pacte de Glasgow,
déclaration finale de la COP26 conclue par près de 200 pays, a été
définitivement adopté samedi. Après de nombreux atermoiements, notamment
concernant la sortie du charbon, que contient finalement cet accord ?
Ému face au timide
"pacte de Glasgow", qui encourage à accélérer la lutte contre le
réchauffement climatique sans pour autant imposer de le contenir à 1,5 °C, le
président de cette conférence onusienne pour le climat, Alok Sharma, a déclaré
comprendre "la profonde déception", ajoutant toutefois qu'il est
"également vital que nous protégions cet accord". Un accord qui,
disait-il plus tôt, "inaugure une décennie d'ambition croissante" en
matière de climat.
Au cours des deux dernières
semaines, en effet, les dirigeants mondiaux ont pris une série d'engagements
visant à renforcer les objectifs de réduction des émissions pour 2030 d'ici la
fin de l'année prochaine.
Pour la première fois, la
conférence des Nations unies sur le climat s'est attaquée directement aux
énergies fossiles. Mais les pays développés n'ont pas répondu aux attentes des
pays en voie de développement, plus vulnérables. "Ce n'était pas une
grande COP", a réagi Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du
Giec, invité de France 24. "Il y a eu quelques avancées, mais si c'est
simplement pour discuter et ne pas mettre sur la table des engagements plus
ambitieux, ça ne vaut pas le coup." Tour d'horizon des principaux points
de cet accord.
Les
énergies fossiles pointées du doigt
"Historique".
C'est la première fois qu'il est fait mention des énergies fossiles. L'accord
de Paris de 2015, qui vise à limiter le réchauffement de la planète "bien
en deçà" de +2 °C par rapport à l'ère industrielle, si possible +1,5 °C,
ne contient en effet pas les mots "charbon", "pétrole",
"gaz", ni même "énergies fossiles", pourtant principales
responsables de changement climatique.
Un premier projet de texte
appelait les pays à "accélérer la sortie du charbon et des subventions aux
énergies fossiles".
Toutefois, sous la pression
de l'Inde, de la Chine et de l'Arabie saoudite, le pacte de Glasgow a été
édulcoré à la dernière minute. Le président de la COP26 a dû faire des
allers-retours entre les divers groupes pour faire accepter une ultime
revendication des délégations indienne et chinoise.
Le texte amendé demande aux
pays signataires de "réduire" ("phase down" en anglais)
alors que la rédaction initiale leur demandait de le "supprimer"
("phase out") à terme.
"Cet accord est terni
par ce revirement de dernière minute par rapport à l'ambition, assez marquée
dans la précédente version, de quitter le charbon", commente Jean Jouzel.
"Maintenant, il faut se mettre sur une trajectoire compatible avec
l'objectif de 1,5 °C", poursuit-il. "On en est loin. On sait que les
émissions ont continué à augmenter et que cette augmentation est telle que dans
dix ans, tout ce qu'on émettra en gaz carbonique nous mettra hors des clous par
rapport à cet objectif."
Dans sa version finale, le
texte adopté samedi appelle à "intensifier les efforts vers la réduction
du charbon sans systèmes de capture (de CO2) et à la sortie des subventions
inefficaces aux énergies fossiles".
"On sait très bien ce
qu'il faudrait faire pour respecter l'objectif des 1,5 °C : la neutralité
carbone en 2050", rappelle Jean Jouzel. "La Chine et l'Inde ont
accepté respectivement 2060 et 2070, que tous les pays acceptent cette idée de
neutralité carbone est déjà un premier pas", poursuit le climatologue.
"Je ne suis pas déçu par ces engagements, le problème, c'est le fossé
entre ces engagements et la réalité."
Plus de 40 pays, dont 23
nouveaux, se sont engagés à éliminer progressivement le charbon, l'énergie
fossile la plus polluante. Les membres comprennent de gros utilisateurs de
charbon comme la Pologne, l'Ukraine et le Vietnam.
Les principaux pays ont
déclaré qu'ils l'élimineraient progressivement dans les années 2030, les pays
les plus pauvres s'engageant dans les années 2040.
L'Australie, deuxième
exportateur mondial de charbon thermique – utilisé dans les centrales
électriques au charbon – n'a cependant pas ajouté son nom à l'engagement.
Déclaration
conjointe des États-Unis et de la Chine
Les États-Unis et la Chine
ont signé une rare déclaration conjointe engageant les deux plus grands
pollueurs du monde à "des actions climatiques renforcées".
Des promesses ont notamment
été faites sur les émissions de méthane, la transition vers une énergie propre
et la décarbonation. Leur mise en œuvre est prévue dans la "décennie
critique des années 2020".
John Kerry, envoyé spécial
du président des États-Unis pour le climat, a décrit cet accord comme "un
impératif de coopération", tandis que le principal négociateur chinois,
Xie Zhenhua, a déclaré qu'il y avait "plus d'accords entre la Chine et les
États-Unis que de divergences".
Émergence
du concept de "pertes et préjudices"
La convention des Nations
unies sur les changements climatiques de 1992 repose sur deux piliers : la
réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation notamment des
plus vulnérables aux impacts à venir.
Mais depuis cette date, les
conséquences dévastatrices du réchauffement sont devenues une réalité dans le
présent et les dégâts se comptent en milliards de dollars.
Face
à cette réalité, le concept de "pertes et préjudices" a émergé, en
référence aux catastrophes qui ne peuvent plus être évitées.
"Quand les émissions ne
sont pas réduites suffisamment, vous entrez dans le territoire de l'adaptation,
et quand l'adaptation n'est pas suffisante, vous devez faire face aux pertes et
préjudices", résume le ministre de l'Économie et du Changement climatique
des Fidji, Aiyaz Sayed-Khaiyum.
Mais le mécanisme mis en
place en 2013 pour prendre en compte cette question est resté flou. Alors à
Glasgow, les pays en développement ont tenté de faire entendre leurs
revendications. En vain. Leur proposition de créer un nouveau système
opérationnel de financement a été bloquée, notamment par les États-Unis
craignant les implications juridiques d'un tel engagement.
Le
compromis adopté met en place un "dialogue" annuel jusqu'à 2024 pour
"discuter des modalités pour le financement des activités".
"Les pays en
développement demandent réparation par rapport aux dégâts liés à des événements
extrêmes et là aussi, il y a une certaine logique", explique Jean Jouzel.
"On a manqué de solidarité", ajoute-t-il, pointant les pays
développés. "Je suis extrêmement déçu que les pays développés ne soient
pas en mesure de tenir les engagements qu'ils ont pris il y a douze ans à
Copenhague", réagit Jean Jouzel. "Nous avions le temps de nous
préparer à cette échéance. Nous ne sommes pas au rendez-vous et c'est
extrêmement regrettable."
Réduction
des émissions de méthane de 30 % d'ici à 2030
Plus de 80 pays, dont
l'Union européenne et les États-Unis, se sont engagés à réduire leurs émissions
de méthane, puissant gaz à effet de serre, de 30 % d'ici 2030 par rapport à
2020.
Émis par l'agriculture et
l'élevage, les combustibles fossiles et les déchets, le méthane est le deuxième
gaz à effet de serre lié à l'activité humaine, après le CO2.
Mettre
fin à la déforestation d'ici à 2030
Plus de 100 dirigeants
mondiaux ont promis de "stopper et inverser la déforestation" d'ici à
2030, c'est-à-dire en moins de dix ans.
La lutte contre la
déforestation, qualifiée par le Premier ministre britannique, Boris Johnson, de
"grand massacre à la tronçonneuse", est essentielle pour parvenir à
l'objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C, a-t-il insisté,
rappelant que les forêts "sont essentielles à notre survie".
Plus de 100 pays
représentant 85 % des forêts du monde ont signé cet engagement, dont le Brésil,
la Russie, le Canada, la Colombie, l'Indonésie et la République démocratique du
Congo. Un engagement soutenu par 14 milliards de livres sterling (16,41
milliards d'euros) de financement public et privé.
"Nous nous engageons à
éliminer la déforestation illégale d'ici 2030", a déclaré le président
brésilien, Jair Bolsonaro, dont le pays abrite une grande partie de l'Amazonie.
"Les forêts sont importantes pour moi car elles couvrent plus de 60 % de
mon pays."
Avec
AFP